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APC Nouvelles entretien Sylvie Niombo, d’AZUR Développement, selon le projet Africatti, qui vise à tenir les gouvernements responsables du combat contre la violence basée sur le genre. Sylvie décrit l’absence de politique sur la violence basée sur le genre au Congo Brazza et comment cela affecte l’accès des femmes à la justice sur la violence basée sur le genre.
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La République du Congo a pris des engagements d’éliminer la violence fondée sur le genre en signant la Convention des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et la Charte Africaine sur les droits de l’homme et des peuples.
Il existe différents lois et textes : code pénal de 1810, code de la famille de 1984, loi sur la protection de l’enfant de 2010 qui fournissent une protection pour les femmes et les filles en général, y compris celles qui sont survivantes de violence. Cependant, l’accès à la justice pour ces femmes et filles n’est pas facile, car ces textes et lois ne sont pas souvent appliqués en raison de la lenteur des procédures judiciaires et l’ignorance des détenteurs de droits (les survivantes). En outre, ces codes datent depuis des années et n’ont pas été mis à jour. A l’instar d’autres pays, comme la RDC, il n’y a pas de loi spécifique sur les violences faites aux femmes et aux enfants.
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Comment le projet est-il mis en oeuvre au niveau des deux zones d’intervention? Et par qui?
SYLVIE: Le projet Africatti est mis en œuvre sur deux sites Pointe-Noire, la capitale économique du pays, et Nkayi, dans le département de la Bouenza qui reflète le milieu semi-urbain et rural. Cependant, les actions de plaidoyer sont menées également à Brazzaville, la capitale.
Trois organisations de la société civile ainsi que deux des bureaux départementaux d’AZUR mettent en œuvre les activités à Pointe-Noire et Nkayi. Il s’agit de l’Agence Régionale d’information sur le SIDA (ARIPS)1, Réseau des Associations de Solidarité Positive du Congo (RASPC)2, et de l’Association des femmes pour le développement de la Bouenza (AFDB)3, et des deux bureaux départementaux d’AZUR Développement dans ces localités.
Quelle est l’implication des institutions gouvernementales?
SYLVIE: Ce projet travaille en étroite collaboration avec la direction départementale de la promotion de la femme à Pointe-Noire, et la direction départementale de l’intégration de la femme à Nkayi. Les activités sont planifiées avec leur collaboration et participation. Par exemple, l’atelier d’information des parties prenantes à Pointe-noire s’est effectué avec la directrice départementale de la promotion de la femme, et avec la participation des administrations : Mairie, enseignement secondaire, chefs de quartier, entre autres.
Comment ce projet s’inscrit dans les priorités nationales en ce qui concerne les droits des femmes?
SYLVIE: Il existe un plan national genre qui est un document d’orientation élaboré par le Ministère de la promotion et de l’intégration de la femme, dans lequel la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles est identifiée. Cependant, il n’y a pas encore de plan national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, avec des indicateurs précis.
Ce qui rend notre travail difficile, car chaque organisation définit ses propres axes stratégiques, cibles et indicateurs et il est difficile ainsi de mesurer le progrès collectif.
Il y a des efforts de la société civile de travailler sur ce phénomène, mais les actions demeurent éparses. C’est pourquoi les projets que nous menons depuis 2009 avec APC sont uniques en ce sens qu’ils regroupent diverses organisations de femmes et de la société civile, définissent des objectifs précis et peuvent mesurer le progrès à la fin de leurs projets.
Quels sont les problèmes auxquels les femmes et enfants victimes de violence sont confrontés dans ces zones?
SYLVIE: Les femmes et les enfants sont victimes le plus souvent de violences domestiques et sexuelles, la majorité desquels sont perpétrés par des parents proches. Des cas d’inceste et conjugales sont aussi communs. Pour la période de Février à Mai 2013, dans trois arrondissements de Pointe-Noire, par exemple, AZUR Développement, ARIPS et RASPC ont rencontré les 34 cas dont 13 cas de violences conjugales soit 38% et 12 cas de viol de mineurs, soit 35% de la totalité des cas de violence suivis. Par exemple, Il y a eu un cas suivi par RASPC, une jeune fille âgée de 14 ans enceinte de son père. Un garçon de 10 ans est obligé d’aller parfois voler pour nourrir sa petite sœur de 8 ans et son petit –frère de 2 ans, car les parents sont séparés et le père, où ils habitent, refuse de prendre ses responsabilités. Une jeune fille de 18 ans violée par son père et enceinte de lui a accouché et abandonné le bébé qui a été recueilli par une association.
Pour les cas incestueux, les enfants sont souvent menacés et intimidés, traumatisés et ne peuvent pas facilement s’exprimer. Les associations ont constaté que les enfants dont les mères sont victimes de violences conjugales paient la lourde tribu, et certains ne vont plus à l’école.
Quels sont les succès obtenus à ce jour?
SYLVIE: Nous avons pu mettre en place un système de suivi des cas dans trois arrondissements de Pointe-noire, avec une responsabilité pour chaque association de suivre avec les chefs de quartier, les commissariats de police, les centres de santé, les cas signalés, les rencontrer et discuter avec eux les actions à mener.
La plateforme de suivi des cas sur internet est aussi un pas, car à présent, l’on peut voir des histoires vécues des cas de violences domestiques et sexuelles dans les localités de Pointe-Noire et Nkayi.
Les capacités des OSC partenaires et des membres d’AZUR Développement ont été renforcées dans la collecte de données, le suivi, et également l’assistance juridique et judiciaire aux cas de violence faites aux femmes et aux filles. Plus d’une dizaine d’entre eux utilisent également l’internet.
Les survivants de violence, adultes, adolescentes comme enfants bénéficient de l’appui psychologique fourni par AZUR Développement lors des groupes de thérapie/parole qu’elle organise dans le cadre de ses activités régulières.
En l’absence d’une loi spécifique à la violence, vos bénéficiaires ont-elles accès à la justice?
SYLVIE: Il existe certaines dispositions relatives à la violence, dans le code pénal, le code de la famille et la loi sur la protection de l’enfance. Les viols sont considérés dans la loi comme un crime. Cependant, les sessions criminelles se tiennent irrégulièrement, les auteurs de viols, ne sont pas souvent punis. Les procédures judiciaires sont souvent lentes, et les parents ou les victimes sont confuses entre les procédures dans les commissariats de Police et le Tribunal.
C’est pourquoi notre travail consiste aussi à ne pas seulement collecter les données, mais à apporter l’information utile aux victimes et leurs parents sur ces procédures, à les aider dans la rédaction des plaintes, les assister à se renseigner sur leurs plaintes dans les commissariats de Police ou au Tribunal. Par exemple, une femme abandonnée par son mari avec ses enfants, a pu se rendre au Tribunal et demander la pension alimentaire, grâce à notre intervention et celui du Directeur des droits humains à Pointe-Noire. Ce qui bloque les familles, ce sont les frais médicaux à payer pour les soins des victimes de viols et de battues, qui ne sont pas gratuits et pris en charge par l’Etat. Nous avons rencontré des cas de viols à Nkayi qui n’ont pas bénéficié des soins, déclarant qu’elles n’avaient pas d’argent. Or, ces soins sont capital.
Il y a eu plusieurs projets de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles au Congo depuis les années 1990, qu’est ce qui rend ce projet ci différent?
SYLVIE: C’est le fait que ce projet peut rendre compte aux autorités locales, disposer d’un cadre de concertation où les questions de violences domestiques et sexuelle sont abordées avec les organisations de femmes et des droits humains, afin de trouver des solutions locales.
Ce qui marche aussi est la possibilité de suivre les cas des violences commis sur internet, et obtenir des détails sur les types de violence, de voir quelles actions ont été prises ou les dossiers classés sans suite.
Au niveau des communautés, elles savent désormais où aller pour chercher de l’aide.
Cependant, il demeure un grand travail de sensibilisation à mener sur les violences faites aux femmes et aux enfants dans les arrondissements où le projet intervient, et même dans d’autres ; car beaucoup de femmes et d’enfant ne savent pas même qu’est ce que la violence, et comment y faire face.
Comment est ce que les problèmes de connectivité et de l’accès aux ordinateurs affecte les partenaires locaux n‘étant pas en mesure d’ajouter à la plate-forme?
SYLVIE: Les organisations partenaires sur le plan local du projet, ARIPS, RASPC et AFDB n’ont pas de matériel informatique adéquat, sinon inexistant. Le gros lot du travail de ce projet est d’établir des contacts dans l’arrondissement, y mener du plaidoyer auprès des Maires et des Chefs de quartier, et fournir l’appui psychologique ainsi que le suivi juridique aux victimes de violence.
Les bureaux d’AZUR Développement qui disposent de quelques outils informatiques saisissent les fiches de données et les envoient par e-mail au bureau central de Brazzaville pour entrer dans la base de données de la plateforme en ligne, car il dispose d’une meilleure connexion internet. Cependant, les partenaires peuvent visiter la plateforme sur internet dans les cybercafés ou en faisant usage des modems internet offerts par les compagnies de téléphonie mobiles.
Comment pouvez-vous imaginer utiliser les cas qui sont documentées sur la plate-forme pour obliger le Gouvernement à rendre des comptes sur la violence fondée sur le genre?
SYLVIE: Il s’agit de documenter l’ampleur de ces violences, et sur cette base d’évidence, d’emmener les autorités concernées à prendre des décisions de rendre la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles une des priorités de l’action gouvernementale.
Notre approche en documentant les cas de violences domestiques et sexuelles à Pointe-Noire et Nkayi est de démontrer l’incidence de la violence, identifier les types de violence récurrents, avoir des données pouvant permettre aux différentes parties prenantes: Gouvernement, société civile et collectivités locales de prendre action.
Les cas qui sont documentés sur la plateforme sur internet sont repris dans un rapport périodique qui est discuté en réunion des parties prenantes avec les autorités locales et la société civile, et les représentants des Maires afin de dégager les problèmes/difficultés et de trouver des solutions. Ainsi, les départements de l’Etat concernés dans les localités du projet sont impliqués et peuvent apporter des solutions et prendre action. Ce que nous avons constaté après la première réunion tenue au mois de Mai à Pointe-Noire.
La Plateforme assure également la disponibilité des données par localité et indique le nombre de dossiers classés, ou encore sans suite.
Il est prévu une sensibilisation large des média à l’utilisation de cette plateforme pour en faire des articles, dossiers de presse et autres reportages afin de soutenir le plaidoyer direct que nous faisons auprès des autorités afin non seulement de prévenir la violence, mais aussi d’assurer l’accès à la justice, aux soins de santé et la réhabilitation sociale des victimes de violence.
Références
1. Le Réseau des Associations de Solidarité Positive (RASP) est une organisation des hommes créée en 2009 ; active dans la prévention et la prise en charge juridique des femmes et enfants victimes de violence. Ils font le suivi des cas de plainte à la police, et travaillent sur la photo comme outil de base pour la sensibilisation sur les méfaits des violences domestiques et sexuelles. Cette organisation a déjà travaillé dans la campagne Take Back The Tech en 2010 dans le cadre du projet OMD3.
2. L’Agence Régionale d’Information et Prévention du Sida (ARIPS) est une organisation de femmes qui travaille dans la prévention du VIH/SIDA, le plaidoyer, le renforcement des groupes de femmes en zone urbaine et rurale, la prévention des violences faites aux femmes et aux filles, et l’éducation des enfants. Elle a déjà travaillé dans la campagne la campagne Take Back The Tech en 2010 et 2011 dans le cadre du projet OMD3. Ses membres ont été formées dans les blogues, et maintiennent un blogue sur la violence faite aux femmes et aux filles.
3. L’Association des Femmes pour le Développement de la Bouenza (AFDB) est une association de femmes créée en 2011 qui prend en charge les femmes vivant avec le VIH/SIDA, fait la prévention, l’écoute et l’orientation des survivantes de violence domestique et sexuelles vers les services adaptés. Elle fait de la mobilisation communautaire sur ces questions en zone rurale et urbaine. Elle a travaillé avec AZUR Développement comme partenaire dans une action de prise en charge psycho sociale des femmes financé par un projet de l’Union Européenne au Congo.