Dernière mise à jour de cette page le
Réf : Coupure d’internet pendant les élections togolaises
Son Excellence Cina Lawson, Ministre de la Poste, de l’Economie Numérique et des Technologies de l’Innovation
CC :
M. Abayeh Germain Boyodi, Directeur d’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP);
Dr. Mohamed Ibn Chambas, Dr Mohamed Ibn Chambas, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS);
L’Observateur en chef de la mission d'observation électorale de l'UE pour 2020
Nous nous adressons à vous afin de vous demander urgemment d’assurer la stabilité et l’ouverture de l’internet et des plateformes de réseaux sociaux au Togo. Nous avons reçu des informations que votre gouvernement prévoit de couper l’internet au cours des prochaines élections au Togo. Au nom de plus de 210 organisations de plus de 70 pays qui constituent la coalition #KeepItOn, nous voudrions faire appel à vous, Madame la Ministre, pour que vous assuriez que l’internet, y compris les réseaux sociaux et autres canaux de communication, demeurent ouverts, sécurisés et accessibles avant, pendant et après les élections résidentielles au Togo.
Les coupures d’internet sont en contravention avec les lois nationales et internationales
Les coupures d’internet sont en violation des droits humains fondamentaux tels que la liberté d’expression, l’accès à l’information, le droit de se réunir, qui sont garantis par des cadres nationaux, régionaux et internationaux tels que la Constitution Togolaise, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et la Charte Africaine sur les Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).
Madame la Ministre, nous aimerions également vous rappeler l'affaire en cours devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest contre la République togolaise pour avoir coupé accès à l’internet en 2017. Réitérant l'argument du plaignant, la coupure d'internet aurait violé les droits fondamentaux des citoyens togolais et si cela devait se reproduire, violerait encore leurs droits.
En novembre 2016, la CADHP a adopté une résolution sur le droit à la liberté d’information et d’expression sur l’internet en Afrique, qui indiquait sa préoccupation concernant « la pratique émergente des États parties consistant à interrompre ou limiter l’accès aux services de télécommunication comme l’Internet, les médias sociaux et les services de messagerie, particulièrement en période électorale; » CADHP/ Res. 362(LX)
Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, l’interprète officiel du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, souligne dans son Observation Générale No.34 que les restrictions sur la liberté d’expression doivent être strictement nécessaires et proportionnées pour atteindre un objectif légitime. [1]
Les coupures d’internet, en comparaison, impactent de manière disproportionnée tous les usagers, et limitent inutilement l’accès à l’information et les
communications des services d’urgence à des moments critiques. Les coupures internet ne sont ni nécessaires, ni efficaces pour atteindre un objectif légitime, puisqu’elles bloquent la diffusion des informations, contribuent à la confusion et au désordre, et entravent la sécurité publique.
Les coupures d’internet portent atteinte aux droits de l’homme, perturbent les services d’urgence et nuisent aux économies
Les études ont montré que les coupures d’internet et la violence vont de pair. [2],[3] Les coupures entravent la libre circulation des informations et créent une chape d’obscurité pouvant cacher les violations aux droits humain des yeux du public. Les journalistes et les travailleurs des médias ne peuvent pas contacter leurs sources, collecter des informations, ou préparer des articles sur le processus électoral sans les outils de communication numérique. [4] Justifiées pour diverses raisons, les coupures bloquent l’accès aux informations vitales, au commerce électronique, et aux services d’urgence, plongeant des communautés entières dans la peur.
L’internet ouvert a favorisé une créativité sans précédent, de l’innovation et l’accès à l’information et à d’autres types d’opportunités sociales, économiques, culturelles et politiques dans le monde. Les moyens techniques utilisés pour bloquer l’accès à l’information en ligne affaiblissent souvent et de manière dangereuse la stabilité et la résilience de l’internet. Les perturbations de réseaux déstabilisent aussi la capacité de l’internet à soutenir la subsistance des petites entreprises et à pousser la croissance économique. Une étude datant de 2016 par l’Institution Brookings, un éminent think tank, a révélé que les coupures ont fait perdre 2,4 milliards de dollars US à l’économie mondiale entre 2015 et 2016. [5]
En tant que coalition qui croit que l’internet est un catalyseur de tous les autres droits de l’homme, nous sommes confiants que l’accès à l’internet et aux plateformes des réseaux sociaux peut favoriser des élections transparentes et libres et encourager la participation des citoyens aux futures élections.
Nous vous appelons donc à entreprendre les mesures nécessaires pour assurer que les fournisseurs de services internet et acteurs pertinents garantissent un internet ouvert, accessible et sécurisé tout au long de la période électorale au Togo. Les coupures d’internet ne doivent pas devenir la nouvelle norme au Togo.
Nous vous demandons respectueusement d’utiliser l’importante position de vos bons offices pour :
● Vous assurer que l’internet, y compris les réseaux sociaux, demeure accessible tout au long des élections présidentielles ;
● Déclarer publiquement l’engagement du gouvernement Togolais pour garder l’internet ouvert, et de notifier le public de toutes perturbations ;
● Encourager les fournisseurs de services de télécommunications et d’internet à respecter les droits humains à travers la divulgation publique des politiques et pratiques qui impactent les usagers.
Nous serions heureux de vous assister pour toutes ces questions.
Salutations distinguées,
Access Now
Africans Rising
AFRICTIVISTES
AfroLeadership
ARTICLE 19 West Africa
Association pour le progrès des communications (APC)
Bloggers of Zambia
Campaign for Human Rights and Development International - CHRDI
Centre for Multilateral Affairs (CfMA)
Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA)
Committee to Protect Journalists
Human Rights Foundation (HRF)
i Freedom Uganda Network Iraqi Network for Social Media
Media Foundation for West Africa
Media Matters for Democracy
Media Rights Agenda
Movements.org Spectrum
OpenNet Africa
Open Observatory of Network Interference (OONI)
Paradigm Initiative
PEN America
Reporters Sans Frontieres (RSF)
Right 2 Know South africa
Rudi International
SAFEnet
Sassoufit
Unwanted Witness Uganda
Notes:
[1] UN Human Rights Committee (UN, July 2011) “General Comment No. 34” http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/docs/GC34.pdf
[2] An internet shutdown is defined as an intentional disruption of internet or electronic communications, rendering them inaccessible or effectively unusable, for a specific population or within a location, often to exert control over the flow of information. See more at https://accessnow.org/keepiton.
[3] Anita R. Gohdes, ‘Pulling the Plug: Network Disruptions and Violence in the Syrian Conflict’ (Journal of Peace Research: 31 January 2014). http://www.anitagohdes.net/uploads/2/7/2/3/27235401/gohdes_synetworkaug1...
[4] Jonathan Rozen, ‘Journalists under duress: Internet shutdowns in Africa are stifling press freedom’ (Africa Portal) 17 August 2017. https://www.africaportal.org/features/journalists-under-duress-internet-...
[5] Darrell West, (Brookings Institution, October 2016) “Internet shutdowns cost countries $2.4 billion last year”. https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v...